Je suis un p'tit Léon, un p'tit caméléon, rayé brun, jaune ou vert
Qui voit sur les côtés sans avoir à bouger, jamais à découvert
Confondu dans les sables
Toujours méconnaissable, chèvrefeuille ou bruyère
Gris couleur de muraille
Parfois même en broussaille, très chic, un rien vulgaire
Demi-tour volte-face dès que l'on me menace, je me change en meulière
Carapace et cuirasse contre tous les rapaces rôdant là-haut dans l'air
Je suis un p'tit Léon, un p'tit caméléon sans couleur régulière
Tantôt noir, tantôt gris
Mais sans vrai coloris, juste un vieux cache-misère
Invisible à deux pas, identique au dahlia, à la ronce ou au lierre
Au pied d'une belle-de-nuit
Ou du thym qui s'ennuie, tout est dans la manière
Caillou blanc, foin coupé, s'il y a du danger, bout d'écorce ou de fer
Un p'tit tour de passe-passe qui agace les limaces et je me fais fougère
Je suis un p'tit Léon, un p'tit caméléon morcelé sur la pierre
Un p'tit reptile saurien qui aura jamais rien, vu qu'il r'garde en arrière
Rose et rêche sur la tuile
Doux, luisant sur une huile, crayeux dans la carrière
Herbe tendre ou caillasse, rapeti rapetasse, j'fais la nique aux vipères
Marguerite, anémone quand c'est trop monotone de guetter l'ephémère
Demi-tour volte-face, retour à la carcasse et me voilà calcaire
Oui, je change et le bouge
Mais je meurs sur le rouge, ça je peux rien y faire
Drôle de, drôle d'animal
J'fais comme si j'avais mal et j'y crois dur comme fer
Mais j'suis qu'un p'tit Léon, un p'tit caméléon qui s'regarde le derrière
D'ailleurs ça trompe personne
Voyons mon cher Watson, mais c'est élémentaire